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Jean Dubuffet

Jean Dubuffet, né le 31 juillet 1901 au Havre et mort le 12 mai 1985 à Paris 6e, est un peintre, sculpteur et plasticien français, le premier théoricien d'un style d'art auquel il a donné le nom d'« art brut », des productions de marginaux ou de malades mentaux : peintures, sculptures, calligraphies, dont il reconnaît s'être lui-même largement inspiré.


La collection de Jean Dubuffet

En 1922, Jean Dubuffet s'intéressait déjà aux travaux du docteur Hans Prinzhorn qui avait rassemblé les œuvres de ses malades mentaux, constituant un Musée d'art pathologique à Heidelberg. Il avait découvert aussi l'exposition du psychiatre Walter Morgenthaler, médecin chef de la clinique de la Waldau près de Berne93. Dès 1923, Dubuffet accomplit son service militaire au service météorologique de la tour Eiffel ou, selon les biographes, au service de la compagnie météorologique du Fort de Saint-Cyr6. Il a connaissance des cahiers illustrés de Clémentine R. (Clémentine Ripoche), visionnaire démente qui dessine et interprète la configuration des nuages. Cette même année à Liège est créée la Fédération spirite internationale94. Dubuffet s'intéresse également à certaines œuvres du fonds Heidelberg qui ont été exposées à la Kunsthalle de Mannheim. 1923 est aussi l'année de l'internement de Louis Soutter dont Dubuffet ne découvrira l'œuvre qu'en 194595. Le 28 août 1945, Dubuffet baptise « art brut » un art qu'il collectionne depuis plusieurs années, art qui comprend à la fois l'art des « fous » et celui de marginaux de toutes sortes : prisonniers, reclus, mystiques, anarchistes ou révoltés96. Grâce à ses amis Jean Paulhan et Raymond Queneau, il découvre les créations d'adultes autodidactes ou psychotiques. Et c'est Paul Budry, qui a passé son enfance à Vevey, qui le met en contact avec le cercle médical suisse. Dubuffet entreprend alors avec Paulhan son premier voyage de prospection pendant trois semaines dans les hôpitaux psychiatriques suisses. À l'occasion d'un deuxième voyage en Suisse, et après avoir échangé de nombreux courriers avec lui, Dubuffet rencontre le psychiatre genevois Georges de Morsier, dont la patiente, Marguerite Burnat-Provins, intéresse le peintre pour ses recherches sur l'Art Brut97. En septembre de la même année, il rend visite à Antonin Artaud, alors interné à Rodez. Le docteur Ferdière lui conseille de visiter l'asile de Saint-Alban-sur-Limagnole où Auguste Forestier est interné. Il visite encore d'autres hôpitaux psychiatriques et des prisons, rencontre des écrivains, artistes, éditeurs, ainsi que des conservateurs de musée et des médecins98, notamment Le cabinet du professeur Ladame99. Le premier Fascicule de l'art brut intitulé Les Barbus Müller, et Autres pièces de la statuaire provinciale, entièrement écrit par Jean Dubuffet, est imprimé par la libraire Gallimard, mais ne sera pas publié. Il sera réimprimé et publié à Genève en 1979 par le musée Barbier-Mueller98.

La compagnie de l'art brut et la collection de l'art brut

En 1945, Dubuffet publie Prospectus aux amateurs de tous genres et Notes aux fins lettrés, dans lesquels il fait savoir qu'il n'est pas facile d'innover derrière Kandinsky, Klee, Matisse ou Picasso. Il propose donc d'explorer des territoires inconnus. En partant de l'informe, « animer des surfaces, représenter des aberrations dans la chorale de l'œuvre d'art […] Animer le matériau […] compter avec le hasard100 ». Par « art brut », Dubuffet désigne l’art produit par des non-professionnels travaillant en dehors des normes esthétiques convenues, restés à l’écart du milieu artistique, ou ayant subi une rupture sociale et psychologique suffisamment forte pour qu'ils se retrouvent totalement isolés et se mettent à créer101. Dubuffet organise plusieurs expositions des œuvres de sa collection entre 1947 et 1951. D'abord dans les sous-sols de la galerie Drouin qui devient le Foyer de l'art brut. Puis, en 1948, le Foyer est transféré dans un pavillon de la Nouvelle Revue française, 17, rue de l'Université (Paris)13. Le Foyer devient ensuite la Compagnie de l'art brut, dont les membres fondateurs sont Jean Dubuffet, André Breton, Jean Paulhan, Charles Ratton, Henri-Pierre Roché, Michel Tapié et Edmond Bomsel, rejoints ensuite par Jean Revol. Le peintre Slavko Kopač assure le rôle de conservateur de la Collection102,103. L'intitulé « Art brut » est donné pour la première fois en 1949 à une exposition présentant les artistes réunis par Dubuffet à la galerie Drouin104. À cette occasion, Dubuffet rédige le catalogue de l'exposition qui comprend 200 œuvres d'artistes inconnus qui font partie de sa collection et il publie un traité : L'Art brut préféré aux arts culturels, qui fait scandale57.
« Le vrai art, il est toujours là où on ne l'attend pas. Là où personne ne pense à lui ni ne prononce son nom. L'art, il déteste d'être reconnu et salué par son nom. Il se sauve aussitôt. L'art est un personnage passionnément épris d'incognito. Sitôt qu'on le décèle […], il se sauve en laissant à sa place un figurant lauré qui porte sur son dos une grande pancarte où c'est marqué Art, que tout le monde asperge aussitôt de champagne et que les conférenciers promènent de ville en ville avec un anneau dans le nez104. »

    Écrits, illustrations, lithographies
  1. Ler dla canpane par Dubufe J., texte en jargon, autographié sur stencil avec gravures sur linoléum, sur bois de caisses et fonds de boîtes de camembert, Paris, L’Art Brut, 1948120.
  2. Anvouaije par in ninbesil avec de zimaje, texte calligraphié sur papier à report, orné de neuf lithographies, Paris, chez l’auteur, 1950 « «-l’art-brut-»-ou-autre Correspondance avec Chaissac ».
  3. Labonfam Abeber par inbo nom, texte en jargon transcrit en orthographe phonétique avec six dessins à l’encre de Chine, reportés photographiquement sur pierres lithographiques, Pairs, chez l’auteur, 1950.
  4. Plukifekler moinkon nivoua, Saint-Maurice-d’Ételan, L’Air du Temps, 1950.
  5. La Fleur de barbe, texte calligraphié et illustré par l’auteur, Paris, chez l’auteur, mars 1960.
  6. Vignettes-Lorgnettes, Bâle, galerie Bayeler (devenue depuis 2005 la fondation Beyeler), 1962121.
  7. Asphyxiante culture, essai, 1968, réédité en 1986 par Les Éditions de Minuit122.
  8. La Botte à Nique, texte autographe de Jean Dubuffet, illustré de dessins au marker découpés et collés sur papiers divers, Genève, Éditions Albert Skira, 1973123.
  9. Bonpiet beau neuille, texte autographe de Jean Dubuffet, calligraphié et illustré de vingt-sept dessins à l’encre de Chine, Paris, Éditions Jeanne Bucher, 1983124.
  10. Oriflammes, texte autographe de Jean Dubuffet, calligraphié et illustré de seize sérigraphies d’après des dessins, Marseille, Ryôan-Ji, 1984125.
  11. Prospectus et tous écrits suivants, textes réunis et présentés par Hubert Damisch, t. I et t. II, Paris, Gallimard, 1967126 Tome II à la Bibliothèque Forney.
  12. Prospectus et tous écrits suivants, textes réunis et présentés par Hubert Damisch, t. III et t. IV, Paris, Gallimard, 1995127. Tous les volumes sont déposés à la bibliothèque Forney.